Nous sommes à un point de graves blessures, où chacun se tient debout et regarde en lui-même puis observe les uns et les autres. Le Mali souffre énormément. L’âme de la nation révèle quelque chose de la conversation politique actuelle, en temps de crise et de changement, une mauvaise gouvernance, une intense corruption – une maladie sociale et politique. Lorsque nous pensons à l’âme de la nation, nous pensons à ce que nous voulons devenir. Cela dépend vraiment de ce que nous représentons. Les politiques de nos pères fondateurs ont été forgées et affermies par nos valeurs socioculturelles. Aujourd’hui, tout se passe comme si un nouvel esprit émergeait, nos braves populations sont confuses, elles sont soumises aux influences néfastes d’un sensationnalisme qui ne dit pas son nom, elles sont outrées, frustrées et en colère. Elles nourrissent l’espoir de trouver à nouveau au sein de nos institutions des dirigeants avec encore un sens d’éthique élevé et qui se soucient réellement de leurs problèmes et du bien commun. En politique, la santé de la société est très souvent le reflet de la vertu des dirigeants.
Aujourd’hui, nous nous battons pour l’âme de la nation, alors que nos valeurs et le cadre moral et spirituel qui ont maintenu notre nation unie des millénaires durant, sont en train de s’effondrer. Nous sommes dans un conflit entre la lumière et les ténèbres, entre le service à la nation et l’égoïsme sordide, entre le vrai et le faux, entre la vision politique claire et la foi aveugle de l’ignorance, et enfin entre la bonne et la mauvaise politique.
Une bonne politique peut se caractériser par une focalisation sur l’intérêt public, un engagement total, transparent et responsable dans la gestion des affaires, une volonté affichée du dialogue et un sens aigu du compromis aux fins d’une large ouverture pour la participation de toutes les forces vives de la nation à la promotion du bien commun ainsi qu’à sa juste et équitable redistribution. Dans une bonne politique, les représentants du peuple travaillent pour servir ceux qui les ont élus, et ils donnent la priorité aux politiques et aux décisions qui profitent à la société dans son ensemble plutôt qu’à des intérêts étroits, partisans ou pis encore, personnels. Une bonne politique essaie toujours de responsabiliser les citoyens et d’améliorer le système politique et les institutions nationales.
Une bonne politique éduque la citoyenneté dans le respect de soi et des valeurs constitutives de la société. Elle essaie toujours de trouver des solutions permanentes aux problèmes. La bonne politique croit en ‘l’union fait la force’. La bonne politique favorise la logique et le bon tempérament. Elle promeut l’amour et le respect de tous sans distinction de religion, de caste, de race, de lieu de naissance ni de toute différence créée par l’homme. La bonne politique inspire la confiance et installe la paix et la concorde parmi les citoyens. Telle est notre vision de la bonne politique sertie d’un engagement farouche à servir l’intérêt public avec probité et à promouvoir le bien commun.
De l’autre côté, la mauvaise politique est caractérisée par la corruption, gangrénée par la désinvolture abstruse, par l’intérêt personnel et le manque de souci du bien commun. Les politiciens en mauvaise politique donnent la priorité à leurs propres intérêts par rapport aux besoins du grand public. Ils se livrent à des tactiques malhonnêtes, ne rechignent pas aux manipulations les plus abjectes pour faire avancer leurs agendas, et ils utilisent leur pouvoir pour opprimer certains individus ou groupes d’individus. La mauvaise politique essaie toujours de donner du pouvoir aux politiciens. Elle essaie toujours de détourner l’attention des vrais problèmes. La mauvaise politique croit en ‘diviser pour mieux régner’. Elle favorise la foi aveugle, les sortilèges et les superstitions. Elle croit qu’il faut attiser la haine entre les gens sur la base des différences hypothétiques. Elle n’hésite pas à travestir le patriotisme en érigeant des ex-votos pour museler toute opposition. Telle est la face hideuse de la mauvaise politique de facto, atteinte de cécité et surtout mue par l’intérêt personnel et la corruption au mépris des besoins du peuple.
Ce qui se passe dans notre pays de nos jours est anormal. Cette anomalie menace les fondements mêmes de nos valeurs et de notre nation. Il semble que certains d’entre nous ne croient plus aux valeurs qui nous unissaient depuis des siècles. Ils ne croient plus en la souveraineté de notre peuple et ils ne croient sûrement plus aux valeurs morales de la loi. Ils ne reconnaissent même plus la volonté du peuple souverain. Toute grandeur en eux semble dissoute, Ils ne croient désormais qu’à l’amélioration de leur propre sort. D’autres encore se plaisent dans la médiocrité.
Depuis fort longtemps, nous avons foncièrement cru aux liens solides qui nous unissaient. Nous le tenions pour définitivement acquis, mais les politiciens véreux ont réussi ces derniers temps à en distendre les maillages. Dans l’état actuel des choses, le principe d’égalité et nos valeurs sont attaqués. Ne nous voilons pas la face, nous ne nous rendons pas service en prétendant le contraire. Pourtant, nous devons les défendre et les protéger. Nous ne devons jamais oublier que nous sommes les véritables héritiers des bâtisseurs d’empires et que nous sommes les gardiens des valeurs qui ont uni et gouverné ces entités. C’est pourquoi nous lançons une invitation solennelle à notre nation toute entière au rassemblement, une invite à nous unir derrière un seul et même objectif : défendre nos valeurs et notre unité. Nous sommes tous appelés promptement, par devoir et conscience, à affronter ceux qui placeront leur propre volonté de pouvoir au-dessus de tout. Nous devons être plus forts, plus déterminés et plus engagés pour sauver notre nation. Nous ne devons laisser personne ni quoi que ce soit nous diviser, nous désunir. Aujourd’hui, il y a des dangers autour de nous que nous ne pouvons pas laisser éclore. On entend de plus en plus parler de la division comme d’un outil politique acceptable dans notre pays. Nous devons tous rejeter fermement la division politique avec toute la clarté morale et la conviction que notre nation peut rassembler. Certains pensent que pour réussir, les autres doivent échouer. Nous croyons que le Mali est assez grand pour que nous réussissions tous, et c’est la nation que nous devrions construire : une nation où personne n’est laissé pour compte. Nous construisons une nation de justice, ou nous vivrons dans une nation de coercition.
Nous pensons que le Mali est à un point d’inflexion – l’un de ces moments qui déterminent la forme de tout ce qui va suivre. Et maintenant, nous devons faire le choix : avancer ou reculer ? Construire l’avenir ou maintenir le statu quo ? Être une nation d’espoir, d’unité et d’optimisme, ou une nation de peur, de division et de ténèbres ? Certains ont fait leur choix. Ils embrassent la division. Ils se nourrissent du chaos. Ils méprisent nos valeurs. Ils soutiennent la validation de loi qui bafoue nos valeurs culturelles et sociétales sans lesquelles notre pays dont on enlèverait l’âme n’existerait plus. Mais ensemble, nous pouvons encore choisir une autre voie. Nous pouvons choisir un meilleur chemin. En avant, vers le futur. Un avenir de toutes les possibilités. Un avenir à construire, à rêver et à espérer. Nous sommes toujours des citoyens qui croyons en l’honnêteté et à l’éthique, à la décence et au respect des autres, au patriotisme, à la liberté, à la justice pour tous, à l’espoir, et sûrement aux possibilités illimitées.
Nous devons faire un choix dans ce combat pour l’âme de notre nation. L’âme du Mali est inscrite dans la perspective sacrée que tous sont créés égaux. Que tous ont le droit d’être traités avec décence, dignité et respect. Tout cela mérite une justice sociale et une opportunité de vivre dans la prospérité. Et défendre absolument nos valeurs, car elles font de nous ce que nous sommes. Tout au long de notre histoire, le Mali a souvent fait les plus grands progrès en sortant de certains de nos moments les plus sombres. Nous croyons que nous pouvons et nous devons le faire à nouveau, et beaucoup d’entre nous sont déjà au travail dans ce sens car notre tâche est de rendre notre nation libre et équitable, juste et forte, noble et entière. En recouvrant notre cohérence, à nouveau nous retrouverons sans le moindre doute notre place dans le concert des nations.
Nous devons toujours nous rappeler qui nous sommes. Ce à quoi nous croyons et ce que nous devons défendre ensemble en tant que nation. Nous devons parler clairement des menaces auxquelles nous sommes confrontés et de l’incroyable avenir qui nous attend si seulement nous le choisissons. Nous devons surmonter et relever les défis avec une vision politique claire, et en faisant preuve de plus de détermination, d’ambition et du courage.
Que Dieu assiste et bénisse cette merveilleuse nation qu’est le Mali, carrefour des civilisations à la croisée de l’Afrique au sud du Sahara et de l’Afrique du Nord, héritier de la charte de Kurukan Fuga ; un pays de tradition, une terre de culture, de dialogue et de tolérance.
Cheick Boucadry Traore
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