Dans un contexte d’incertitude économique et politique, de plus en plus d’Américains envisagent la vie ailleurs. Deux articles récents dressent le portrait d’un pays qui doute de lui-même – et dont les citoyens, jeunes ou de classe moyenne, tournent le regard vers l’étranger.
Le Wall Street Journal constate que “les Américains à revenus moyens cherchent de plus en plus à s’établir à l’étranger pour gagner en pouvoir d’achat, réduire leurs impôts ou simplement vivre mieux”. Ce ne sont plus les élites financières qui partent acheter un passeport doré, mais “des enseignants, ingénieurs, petits entrepreneurs” convaincus que leur argent aura davantage de valeur sous d’autres latitudes. Selon le ministère de la Défense, 4,4 millions d’Américains vivaient à l’étranger en 2022 – une hausse de 42 % depuis 2010.
Andrew Henderson, fondateur du cabinet Nomad Capitalist, résume cette tendance :
C’est un plan B. Ils achètent la tranquillité d’esprit – la possibilité de choisir où ils vivent, comment ils sont imposés et le genre de vie qu’ils veulent bâtir.
Les nouveaux expatriés n’ont pas besoin de fortune : au Portugal, le visa D7 requiert “un revenu stable d’environ neuf 9 000 à 12 000 euros par an” ; au Panama, un revenu mensuel d’environ 1 000 euros suffit pour obtenir un visa de retraité ; au Mexique, “un revenu d’environ 4 000 euros par mois ou 80 000 euros d’économies” ouvre la voie à une résidence temporaire. Pour beaucoup, c’est la promesse d’une “vie confortable à l’étranger avec un salaire américain modeste”, dans des pays où le logement et la santé coûtent deux à trois fois moins cher.
Mais partir ne signifie pas fuir : c’est souvent, écrit le quotidien, “une diversification, comme un portefeuille d’investissements”. La migration devient stratégie de vie et de sécurité face à un avenir perçu comme instable.
Le magazine Newsweek s’intéresse à la même dynamique, mais vue du côté des jeunes. Selon une enquête de l’American Psychological Association, “près des deux tiers des jeunes Américains ont envisagé de quitter le pays à cause de l’état de la nation”. Un chiffre vertigineux qui illustre le malaise d’une génération confrontée, selon la psychologue Lynn Bufka, à “une combinaison de stress financier, de divisions politiques et d’incertitude sur l’avenir”.
La pandémie, rappelle-t-elle, “a frappé à un moment crucial de leur vie, perturbant l’éducation, les débuts de carrière et le développement social”. Résultat : 76 % des adultes se disent plus inquiets qu’avant pour l’avenir du pays, et 62 % citent la division sociale comme “une source importante de stress”.
Pour Lynn Bufka, cette perte de confiance traduit “un sentiment croissant de déconnexion – les uns des autres, des institutions – et l’étiolement du sentiment de partager un but commun”. Elle insiste :
Quand le sentiment d’appartenance et de confiance s’effrite, que ce soit envers le gouvernement, la communauté ou le système social, les gens se sentent impuissants et cherchent à reprendre le contrôle, même si cela signifie imaginer une vie dans un autre pays.
Les deux articles dessinent ainsi une Amérique en exil intérieur. Les uns cherchent sous d’autres cieux la stabilité économique qu’ils n’ont plus chez eux ; les autres, un sens collectif qu’ils ne trouvent plus dans une société fragmentée. Et si, comme l’écrit le Wall Street Journal, “ce qui avait commencé comme un mince filet de retraités est devenu un mouvement à part entière”, Newsweek montre qu’il s’agit désormais d’une crise générationnelle : un pays que sa jeunesse rêve de quitter pour mieux respirer.
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