Comment le Burkinabè se recycle avec la nouvelle loi ? – BurkinaInfo – Toute l’information du Burkina Faso en temps réel
Après une dizaine d’années d’existence sans effet majeur, la loi portant interdiction des emballages et sachets en plastique a été révisée en décembre 2024 et est entrée en vigueur six mois plus tard. Depuis, les Burkinabè réduisent progressivement leur usage des emballages plastiques jetables et se tournent vers des alternatives respectueuses de l’environnement. Si cette nouvelle donne marque un pas vers la lutte contre la pollution plastique au Burkina Faso, des défis restent à relever. Constats, témoignages et avis recueillis sur le terrain de juillet à décembre 2025 à Ouagadougou augurent de bonnes perspectives.
Environ 20 heures, route de Karpala. Nous stationnons devant une boutique pour acheter du jus de fruits à consommer plus tard. Comme à l’accoutumée, nous nous attendons à ce que le produit soit servi dans un sachet plastique pour en faciliter le transport, d’autant plus que nous sommes à moto. C’est avec étonnement que nous voyons la boutiquière nous tendre les deux briques de jus sans les avoir emballées au préalable. Avant que nous ne puissions lui faire des reproches, celle-ci nous lance : « On a dit de ne plus vendre avec les sachets. Mais nous avons des sacs si vous voulez ».
C’est à ce moment que tout nous revient en mémoire, avec un petit sentiment de honte. Nous qui étions pourtant présents lors de l’adoption de cette loi révisée. Sans broncher donc, nous achetons un sachet en tissu à 50 francs pour emballer nos deux briques de jus.
Une seconde fois, la loi nous rattrape. 8 août 2025. Après avoir quitté la rédaction, nous marquons un arrêt pour la première fois à l’agence Faso Kosam Cissin pour prendre deux pots de yaourt. Il faut payer un sac en tissu ou se débrouiller avec les pots seuls. Or, nous n’avons pas notre premier sac avec nous. Nous sommes contraint d’acheter un autre sac que depuis, nous gardons jalousement sous la selle de notre moto en cas de besoin.
Lors de nos courses, nous remarquons que ce changement s’opère dans plusieurs commerces. Ceux-ci se tournent principalement vers les sachets et sacs en tissu, importés majoritairement du Ghana ou de la Chine. D’autres se tournent aussi vers les emballages et sachets en plastique dur ou en papier.
Sur la place publique cependant, il est toujours aisé de voir des citoyens qui abandonnent délibérément les sachets plastiques n’importe où, sauf dans les poubelles.
D’autres les entassent et les brûlent. Il est connu que ces gestes anodins à petite échelle ont des conséquences graves à grande échelle, notamment la dégradation de l’esthétique de nos espaces, la pollution des sols, des eaux et de l’air, les inondations, les maladies animalières, toutes choses qui ont des effets néfastes sur l’homme.

Avec l’entrée en vigueur de la loi portant sur les emballages et sachets en plastique au Burkina Faso, des structures associatives se mettent en branle pour accompagner. C’est le cas de l’Association des Femmes Environnementalistes du Burkina (AFEB).
Les membres de cette association ont eu à distribuer gratuitement des sacs réutilisables aux commerçantes du marché de Pissy et d’autres marchés. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de leur projet « Une femme, un sac réutilisable ».
23 décembre 2025, nous arrivons à 11h à la Direction Générale de l’Eau. Nous sommes reçu par la présidente de l’AFEB. Il s’agit de Diane Hien, inspecteur de l’environnement. Étant donné que nous sommes à l’approche de Noël, celle-ci nous présente d’abord des sapins qu’elle a confectionnés à partir de cuillères jetables et de pots de yaourt.
Avec la loi 045-2024, elle trouve important de revenir aux vieilles habitudes en faisant à nouveau usage de contenants réutilisables et cela passe par la revulgarisation de ces alternatives qui étaient utilisées avant l’expansion des emballages et sachets plastiques à usage unique. « Le sachet, c’est parce qu’il était à vil prix. Il était vulgarisé, produit en grande quantité. Mais sa gestion posait un problème. Il faut à un certain moment abandonner certaines habitudes pour le bien-être », ajoute-t-elle.
Nous dirigeons ensuite nos échanges sur la question de l’abandon sauvage et du brûlage inappropriés des sachets et emballages en plastique. Dans sa prise de position, la présidente de l’AFEB juge que la vulgarisation des poubelles et une sensibilisation accrue peuvent résoudre le problème. Des initiatives se développent dans ce sens, selon elle. « Peut-être que si nous avons des poubelles dans nos rues, toi qui as jeté et qu’il y a une poubelle à côté, toi-même tu vas te retourner, regarder, tu verras que ce n’est pas bon et tu vas te retourner pour prendre et mettre dans la poubelle », ajoute-t-elle.

Une autre association qui soutient la dynamique de la loi est « Les Vagabonds de l’Assainissement ». Nous prenons rendez-vous avec le secrétaire général de l’association, Emmanuel Ky, à midi le 26 décembre 2025 ; c’est finalement à 15 heures que nous nous rencontrons à Cissin. Après nous être installés, nous abordons tout de suite la question de la gestion des déchets plastiques, notamment les sachets, déjà présents massivement dans l’environnement.
Le recyclage est la meilleure solution et il faut encourager les initiatives qui vont dans ce sens, selon Emmanuel Ky. « On peut faire des pavés, on peut faire des pots, on peut faire des poubelles également. Il faut encourager ces initiatives pour diminuer ces déchets dans nos rues. On a Faso Mêbo aujourd’hui qui conçoit des pavés en dur, on peut faire des pavés aussi avec du plastique », dit-il. Il ajoute que cela passe aussi par ne plus rajouter d’ordures plastiques dans l’environnement en pérennisant les comportements écologiques.
À ce stade, Emmanuel Ky ouvre une parenthèse pour faire un clin d’œil à la Brigade Laabal, qui intervient entre autres dans la promotion de la salubrité et de l’hygiène publique. L’un des mérites de cette brigade est d’avoir conduit les riverains au curage de plusieurs caniveaux dont l’obstruction cause des inondations. « Moi, je salue vraiment la Brigade Laabal qui a une méthode vraiment pédagogique. C’est vrai que les gens critiquent par moment, mais il faut souvent secouer pour faire bouger les choses », dit-il, sourire aux lèvres.
Avec les actions intégrées qui sont mises en œuvre afin d’embellir les villes du Burkina Faso, Emmanuel Ky juge que le comportement du citoyen doit suivre. « Nous, en tant que populations, nous devons aussi travailler à changer nos habitudes pour pouvoir promouvoir la bonne image que le Burkina Faso a. Il faut vraiment que nous puissions nous aligner sur la vision de nos autorités », plaide-t-il.

Depuis Bobo-Dioulasso, où son entreprise est spécialisée dans la transformation des sachets plastiques en pavés et autres produits, Alamine Ky, patron d’Ozone Recyclage, accepte de s’entretenir avec nous par voie téléphonique.
De 2017 à nos jours, son entreprise a pu concevoir et livrer 365 mètres carrés de pavés, représentant 5 840 tonnes de sachets plastiques. « La demande pour les pavés plastiques est réelle, forte et en croissance. Ils sont très sollicités pour l’aménagement des cours, trottoirs, parkings, concessions privées et projets communautaires. Les clients apprécient particulièrement leur résistance à l’eau, leur durabilité, leur facilité d’entretien et leur coût compétitif par rapport aux pavés classiques en béton », telle est sa réponse lorsque nous demandons de connaître l’engouement lié aux pavés en plastique.
Alamine Ky juge que l’adoption de la loi du 30 décembre 2024 portant sur les emballages et sachets en plastique sous-entend la reconnaissance officielle du recyclage comme solution environnementale. « Depuis l’entrée en vigueur de la loi le 9 janvier 2025, l’approvisionnement en sachets plastiques est devenu plus structuré, sans faire disparaître la matière première. Les déchets plastiques restent abondants dans l’environnement », nous informe-t-il.
Il trouve cependant que la concurrence entre recycleurs va se renforcer avec des exigences réglementaires plus élevées. « Il est vrai que la loi n’entraîne pas une interdiction totale du plastique. Notre principale crainte est une baisse de la collecte sans accompagnement des recycleurs. Cependant, les perspectives restent positives si l’État soutient efficacement les acteurs du recyclage », juge-t-il.
Tous nos intervenants sont unanimes : la pérennisation des comportements éco-citoyens n’est possible que par l’éducation des jeunes générations. Dans le public comme dans le privé, des initiatives sont de plus en plus développées pour promouvoir la protection de l’environnement dans les établissements d’enseignement, notamment à travers la création de clubs écologiques.
Josué TIENDREBEOGO
Faso7
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