Abdoul Niang sur les récits des médias occidentaux : « Leurs narrations sont clairement influencées par les logiques géopolitiques… »
L’Essor : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire ce livre ?
Abdoul Niang : Depuis l’expulsion des forces internationales du Sahel, notre espace est devenu la cible prioritaire de certains médias occidentaux alignés à la diplomatie de leurs gouvernements. Ils ne couvrent que les aspects spectaculaires des conflits et en occultent, de préférence les éléments essentiels à la bonne compréhension du public.
Ces choix éditoriaux influences par la géopolitique visent à saper les efforts de paix des gouvernements sahéliens, discréditer nos choix et partenaires et exacerber les tensions. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’écrire cet ouvrage pour déconstruire les narratifs biaisés de ces médias, présenter aux opinions les théories de la communication qui offrent le cadre narratif de ces pratiques journalistiques problématiques et formuler des recommandations à l’endroit de la Confédération des États du Sahel.
L’Essor : Pensez-vous que la guerre informationnelle livrée par des médias étrangers a exacerbé le terrorisme au Sahel ?
Abdoul Niang : Les récits dominants des médias, notamment français ont, sans doute, étrangers ont contribué à alimenter le terrorisme au Sahel. J’en veux pour preuve, la couverture faite des opérations des Forces armées maliennes (FAMa) à Moura en 2022 et des événements tragiques à Solenzo, au Burkina Faso en mars 2025. Dans le premier cas, le réseau France média monde a présenté l’opération comme visant exclusivement une ethnie. Les terroristes abattus et notoirement connus ont été identifiés comme des civils sans autre précision.
Des titres incendiaires ont été fabriqués pour attiser la haine comme « plus de 500 civils ont été massacrés par les FAMa et les mercenaires de Wagner ». Des associations culturelles tombées dans le panneau avaient commencé à dénoncer des exactions avant d’être édifiées par le Premier ministre d’alors. Le désir de vengeance a tout de même poussé certains à rejoindre la Katiba Macina pour, selon eux, défendre leur communauté. Ces discours médiatiques biaisés ont malencontreusement fait croire à d’autres que l’Armée est l’ennemie de leur communauté et que les terroristes la représentent et la défendent.
Dans le deuxième cas, c’est une opération des Forces de défense et de sécurité ayant permis de détruire une base terroriste pour libérer les civils (tous des peuls) pris en otage et utilisés comme boucliers humains qui a été interprétée à l’envers par France 24 comme suit : « les soldats ont massacré les civils peuls et les terroristes sont venus les sauver ». Pire, ce média français, foulant aux pieds le principe de l’équilibre de l’information, a préféré relayer une vidéo de propagande enregistrée par les terroristes après leur déroute au détriment de l’élément diffusé par la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB) où l’on a pu voir le film des opérations, des témoignages des otages libérés par les Forces de défense et de sécurité (FDS). L’objectif est le même : « faire détester les FDS par les peuls ».
L’Essor : Cet ouvrage est-il une réponse à la désinformation et à la manipulation entretenues par certains médias occidentaux contre la Confédération AES ?
Abdoul Niang : Il s’agit non seulement d’une réponse, mais aussi d’une dénonciation du co-terrorisme ou du terro-journalisme auquel s’adonnent des médias sans scrupules. L’ouvrage vise également à sensibiliser les citoyens, notamment les journalistes de l’espace sahélien, sur les mécanismes de légitimation des groupes terroristes par les médias étrangers et à proposer des pistes aux décideurs politiques leur permettant de lutter contre la désinformation.
L’Essor : Sur quoi vous référez-vous pour déconstruire le narratif des médias occidentaux ?
Abdoul Niang : Mon travail s’appuie sur les contenus des mêmes médias que j’ai analysés, selon les grandes théories de la communication et certaines pratiques journalistiques. J’ai également utilisé les analyses d’anciens employés des médias concernés, les déclarations d’officiels français, africains et les ouvrages de référence.
L’Essor : Les logiques politiques et géopolitiques ont-elles eu des répercussions sur le terrorisme au Sahel ?
Abdoul Niang : Le réseau France média monde est rattaché au Quai d’Orsay, donc un instrument au service de la politique extérieure de la France basée essentiellement sur la guerre. Les narrations de ces médias sont clairement influencées par les logiques géopolitiques. Ce n’est pas pour rien que les autorités de l’AES soient décrites comme « juntes » ou « putschistes », pendant que celles du Gabon, de la Guinée ou du Tchad, en osmose politique avec l’Élysée, se font appeler « M. le Président » ou « le Président de la Transition ». L’on constate également que depuis l’expulsion humiliante de la France du Sahel, les médias français ont évolué quant à la qualification des acteurs violents. Autrefois appelés les terroristes sans foi ni loi, désormais ce sont des djihadistes.
L’Essor : Dans votre ouvrage, que pouvons-nous retenir comme pistes de solutions pouvant contrer la menace terroriste ?
Abdoul Niang : Il faut d’abord contrecarrer les propagandes extérieures par le renforcement des médias nationaux, la création d’une télévision, d’une radio, d’un journal écrit et d’un site d’information au nom de la Confédération pour une réponse coordonnée et efficace. Mon ouvrage propose également de rappeler les médias internationaux à l’ordre quant à leur responsabilité et leur opposer aux normes éthiques du journalisme interdisant formellement de mettre l’accent sur une lecture ethnique du conflit, de nourrir la haine et d’inciter à la révolte. Le devoir d’informer est admis, mais informer n’est pas relayer les propagandes ni glorifier les terroristes.
Propos recueillis
Namory KOUYATE
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