Le verdict est tombé. Ce lundi 27 octobre 2025, le Conseil Constitutionnel a proclamé la réélection de Paul Biya à la présidence de la République avec 53,66% des suffrages exprimés au niveau national. À 92 ans, le président sortant remporte son huitième mandat consécutif, mais derrière ces chiffres se cache une réalité électorale bien plus complexe. Issa Tchiroma Bakary, l’ancien ministre devenu principal challenger, réalise une performance historique avec 35,19% des voix et remporte plusieurs régions stratégiques. Au Littoral, fief de Douala, il écrase le président sortant avec 64,59% contre seulement 20,99%. En diaspora, le candidat de l’opposition triomphe : 66,75% en Amérique, 68,21% en Asie, 62,79% en Europe. Ce n’est vraiment pas du jeu ! Les bastions traditionnels du RDPC résistent (Sud 90,86%, Centre 70,14%), mais le message est clair : plus d’un tiers des Camerounais ont voté pour le changement. Cette élection marque-t-elle le début d’une nouvelle ère politique ?
Le classement officiel des candidats
Le président du Conseil Constitutionnel a dévoilé ce lundi matin le classement définitif des douze candidats en lice :
1. Paul BIYA (RDPC)
- 53,66% des suffrages exprimés ✅ ÉLU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
2. Issa TCHIROMA BAKARY
- 35,19% des suffrages exprimés
3. LIBII
- 3,41% des suffrages exprimés
4. Bello BOUBA MAIGARI (UNDP)
- 2,45% des suffrages exprimés
5. TOMAINO
- 1,66% des suffrages exprimés
6-12. Autres candidats
- Ensemble : 3,63% des voix
Les résultats région par région : un pays fracturé
Le Conseil Constitutionnel a dévoilé des résultats qui révèlent un Cameroun profondément divisé entre zones urbaines, diaspora et bastions ruraux. Voici le détail complet :
🌍 DIASPORA : VICTOIRE TOTALE DE L’OPPOSITION
ZONE AMÉRIQUE
- Issa Tchiroma : 66,75% ✅
- Paul Biya : 25,67%
ZONE EUROPE
- Issa Tchiroma : 62,79% ✅
- Paul Biya : 22,63%
ZONE ASIE
- Issa Tchiroma : 68,21% ✅
- Paul Biya : 24,09%
ZONE AFRIQUE
- Issa Tchiroma : 54,99% ✅
- Paul Biya : 34,13%
➡️ Analyse : Raz-de-marée pour l’opposition dans toute la diaspora. Les Camerounais de l’étranger sanctionnent massivement 42 ans de pouvoir Biya.
🇨🇲 BASTIONS RDPC : LE GRAND SUD RÉSISTE
RÉGION DU SUD
- Paul Biya : 90,86% ✅
- Issa Tchiroma : 6%
RÉGION DU CENTRE (YAOUNDÉ)
- Paul Biya : 70,14% ✅
- Issa Tchiroma : 21,62%
RÉGION DE L’EST
- Paul Biya : 73,88% ✅
- Issa Tchiroma : 19,82%
RÉGION DU NORD-OUEST
- Paul Biya : 86,31% ✅
- Issa Tchiroma : 52,1% ⚠️ Anomalie statistique : total supérieur à 100%
RÉGION DU SUD-OUEST
- Paul Biya : 68,79% ✅
- Issa Tchiroma : 22,64%
🔥 VICTOIRES DE L’OPPOSITION : LES ZONES DE BASCULE
RÉGION DU LITTORAL (DOUALA)
- Issa Tchiroma : 64,59% ✅
- Paul Biya : 20,99% 🎯 Score historique : la capitale économique rejette le pouvoir
RÉGION DE L’OUEST (PAYS BAMILÉKÉ)
- Issa Tchiroma : 46,76% ✅
- Paul Biya : 38,61%
RÉGION DE L’ADAMAOUA
- Issa Tchiroma : 50,33% ✅
- Paul Biya : 34,61%
RÉGION DU NORD
- Issa Tchiroma : 43,51% ✅
- Paul Biya : 38,78%
⚖️ RÉGIONS DISPUTÉES
RÉGION DE L’EXTRÊME-NORD
- Paul Biya : 45,93% ✅
- Issa Tchiroma : 42,34% Écart faible de seulement 3,59 points
Issa Tchiroma : une percée historique malgré la défaite
Avec 35,19% des suffrages au niveau national, Issa Tchiroma Bakary réalise la meilleure performance d’un candidat de l’opposition depuis des décennies. L’ancien ministre de la Communication, passé dans le camp du changement, remporte des victoires éclatantes dans des zones stratégiques.
Au Littoral, région de Douala (capitale économique), le score est sans appel : 64,59% contre seulement 20,99% pour le président sortant. Un écart de 44 points qui traduit un rejet massif du pouvoir en place par les forces vives du pays. Les commerçants, les jeunes entrepreneurs, les chômeurs diplômés de Douala ont clairement exprimé leur ras-le-bol.
L’Ouest bamiléké, poumon économique et démographique du Cameroun, bascule également avec 46,76%. L’Adamaoua et le Nord, régions musulmanes traditionnellement acquises au RDPC, votent pour le changement avec respectivement 50,33% et 43,51%.
Mais c’est en diaspora que le message est le plus cinglant. Les Camerounais d’Amérique (66,75%), d’Asie (68,21%), d’Europe (62,79%) et même d’Afrique (54,99%) rejettent en bloc le régime Biya. Ces compatriotes qui vivent à l’étranger, qui comparent quotidiennement le Cameroun aux pays développés, ont voté massivement pour tourner la page.
Comment Biya gagne malgré ces défaites régionales ?
Le paradoxe est frappant : Paul Biya perd dans plusieurs régions clés mais remporte l’élection avec 53,66%. L’explication tient au poids démographique et au système électoral camerounais.
Le « Grand Sud » (Sud + Centre + Est), où le président sortant réalise des scores soviétiques (90,86%, 70,14%, 73,88%), concentre une masse électorale considérable. Ces trois régions à elles seules représentent près de 40% du corps électoral national. Yaoundé, la capitale politique située au Centre, pèse lourd dans la balance.
Les régions anglophones (Sud-Ouest 68,79%, Nord-Ouest 86,31%) apportent également un soutien massif au RDPC, bien que ces chiffres soulèvent des questions compte tenu de la crise sécessionniste qui y sévit depuis 2016. Le score du Nord-Ouest présente d’ailleurs une anomalie statistique flagrante avec un total dépassant 100%.
L’Extrême-Nord, bien qu’avec un score en baisse (45,93%), reste acquis au président sortant. Ces bastions compensent mathématiquement les défaites à Douala, dans l’Ouest et en diaspora.
Bello Bouba et les autres candidats : le naufrage de l’opposition fragmentée
Bello Bouba Maigari, qui promettait cinq millions d’emplois lors de sa campagne à Douala, termine à une humiliante quatrième place avec seulement 2,45% des voix. Le président de l’UNDP, ancien Premier ministre, paie le prix d’une opposition divisée incapable de s’unir face au RDPC.
Libii obtient 3,41%, tandis que Tomaino ferme la marche avec 1,66%. Au total, les neuf candidats d’opposition autres que Tchiroma ne totalisent que 10,15% des suffrages.
Si une alliance pré-électorale avait permis de rassembler ces voix derrière un seul challenger, le scrutin aurait peut-être connu une issue différente. Mais les ego, les ambitions personnelles et les divisions idéologiques ont prévalu sur l’union sacrée.
Un huitième mandat sous haute surveillance
Paul Biya prêtera serment dans les prochaines semaines pour entamer ce huitième mandat qui le conduira jusqu’en 2032, à l’âge de 99 ans. Mais la légitimité de ce nouveau septennat est questionnée dans plusieurs régions stratégiques.
Comment gouverner un pays où la capitale économique vous rejette à 80% ? Comment ignorer le message envoyé par toute la diaspora camerounaise ? Comment réconcilier un électorat aussi fragmenté entre partisans inconditionnels et opposants résolus ?
Les défis qui attendent le président réélu sont immenses : crise anglophone persistante, chômage massif des jeunes (particulièrement dans les villes qui ont voté contre lui), diversification économique, corruption endémique, vieillissement des infrastructures.
La question de la succession devient également urgente. À 92 ans aujourd’hui, Paul Biya sera centenaire si jamais il termine ce mandat. Au sein même du RDPC, les luttes de positionnement pour l’après-Biya s’intensifient, même si personne n’ose encore l’évoquer publiquement.
Vers des contestations et recours ?
Les prochains jours diront si Issa Tchiroma et d’autres candidats déposeront des recours devant le Conseil Constitutionnel. L’anomalie statistique du Nord-Ouest, les scores surprenants dans certaines zones, les allégations de fraudes déjà évoquées pendant la campagne : autant d’éléments qui pourraient alimenter des contestations.
La communauté internationale, les observateurs électoraux présents sur le terrain et les organisations de la société civile scrutent attentivement l’évolution de la situation.
L’opposition dispose désormais d’une base solide avec 35,19% des voix pour Tchiroma. Une légitimité qui lui permet de revendiquer une représentativité significative et d’exiger une place dans le débat politique national.
Le Cameroun des sept prochaines années ressemblera-t-il à celui des décennies précédentes, ou ce scrutin de 2025 marque-t-il le début d’une nouvelle ère politique avec une opposition renforcée et décomplexée ?
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