
Le scrutin du 12 octobre 2025 au Cameroun a fait rejaillir toute sorte d’analyse. Dans une tribune captée sur la toile, un socio-politologue explique la démarche pour qui a conduit à la victoire du candidat sortant Paul Biya. Extrait !!!
« Je me suis appesanti sur les résultats officiels. Le mot « officiel », est important parce que ce sont des résultats qui ont été évidemment reconstruits. Remastérisés, si on peut dire, et qui témoignent d’une volonté de créer une majorité.
Le Grand Nord lui a tourné le dos
Alors que l’on a vu que le pouvoir de Paul Biya, qui en 2018 avait gagné avec 2,5 millions de voix. Sur 3,5 millions de suffrages exprimés, et dont le plus puissant bastion était le Nord. Parce que la moitié de ces voix-là venaient du Nord. Comment réussit-il aujourd’hui à avoir la majorité alors que le Grand Nord lui a tourné le dos ?
Alors que les grandes villes comme Yaoundé, Douala, Bafoussam, Garoua, Maroua lui ont tourné le dos ? Comment parvient-il aujourd’hui, contre toute logique, contre les milliers de PV que nous avons pu consulter ? Comment parvient-il à gagner ces élections selon le Conseil constitutionnel ?
Alors j’ai comparé le corps électoral réel, c’est-à-dire les votants réels de 2018 et de 2025. Et il apparaît très clairement quand on fait une analyse régionale. Région par région, qu’il y a une hausse assez forte du nombre d’électeurs, à peu près 50%. Mais que cette hausse du nombre d’électeurs entre 2018 et 2025 se concentre dans les endroits. Où le conseil constitutionnel dit que Paul Biya a gagné.
Par exemple, dans le centre du pays, on a bien vu tous les résultats de Yaoundé. Et donc on considère, à l’absence de PV officiel, puisque Elecam n’a pas diffusé ces résultats bureau de vote par bureau de vote. En tout cas à l’absence de PV officiel, on peut considérer que cette domination de 70%.
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Augmentation de 800% des électeurs réels
Que le Conseil constitutionnel prétend que Paul Biya a eu dans le centre du pays viennent des zones rurales. En tout cas, le nombre d’électeurs réels, selon le Conseil constitutionnel, augmente de 54% entre 2018 et 2025. À l’Est, le nombre d’électeurs réels augmente de 48% entre 2018 et 2025.
Dans le Centre, dans l’Est, on déclare que Paul Biya a gagné. Dans le Sud, le nombre d’électeurs réels augmente de 59%. Dans le Sud-Ouest, une autre région où Paul Biya aurait écrasé Issa Tchiroma Bakary. Sachant que le Sud-Ouest, c’est une région anglophone.
Le pays anglophone n’a jamais été vraiment très Rdpc. Le Sud-Ouest un peu plus que le Nord-Ouest. Mais on va voir avec la situation sécuritaire depuis 2016. Qu’il y a une augmentation du corps électoral de 243% entre 2018 et 2025.
Et dans le Nord-Ouest, qui est l’épicentre de la crise anglophone, de la guerre civile des deux régions anglophones du pays. Il y a une augmentation de 800% des électeurs réels. Donc en fait, ce que Paul Biya a perdu dans le Grand Nord, qui était sa banque mondiale électorale. Il le récupère surtout dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest.
Le Nord-Ouest étant un bastion historique de l’opposition camerounaise. Et les dynamiques politiques des meetings montrent très bien que cette région n’a pas basculé du côté de Paul Biya.
Des déplacés internes plus nombreux au Cameroun
Un million de déplacés internes
Et surtout, un taux de participation tel qu’il se présente là. C’est-à-dire qu’on nous explique qu’à peu près la moitié des électeurs du Sud-Ouest et du Nord-Ouest ont voté Paul Biya. La moitié des électeurs inscrits. C’est-à-dire à peu près le même taux de participation que dans les régions où il y a la paix.
C’est curieux dans la mesure où, selon les Nations unies, il y a un million de déplacés internes au Cameroun. Et ces déplacés internes viennent surtout du Nord-ouest, du Sud-ouest et du Septentrion.
Par exemple, il y a une sorte de prise d’acte. Du fait qu’il y a eu des déplacés internes venant du grand nord du pays. Notamment l’Extrême-Nord qui fait face à Boko Haram. Il y a une baisse de 9% des électeurs réels entre 2008 et 2025.
C’est normal, puisque beaucoup de personnes ont quitté l’Extrême-Nord pour descendre à Yaoundé, à Douala. Et dans les régions où il n’y a pas la guerre. Au sein de l’Adamaoua, il y a une sorte de stabilité du nombre d’électeurs réels.
Et donc, l’Extrême-Nord, l’Adamaoua, ce ne sont pas des zones où Paul Biya caracole en tête. Même si le Conseil constitutionnel donne une courte avance dans l’Extrême-Nord à Paul Biya. Et dans les régions qui sont des régions qui ont accueilli les déplacés internes.
Comme le Littoral et le Nord, il y a une augmentation modérée. C’est-à-dire qu’il y a 30% de plus d’électeurs à Douala, dans le Littoral. Ce qui est normal parce que le Littoral a vu venir des personnes du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et du Grand-Nord.
Et puis, il y a aussi la croissance démographique naturelle qui est assez dynamique dans la région du Littoral. Une augmentation de 15% des électeurs réels dans l’Ouest, ce qui peut aussi se comprendre.
Exploser le taux de participation
Mais dans les régions, il y a une sorte de différentiel absurde. Certaines régions qui sont en proie à la guerre et à des rébellions voient leur nombre d’électeurs réels exploser. Alors que ce sont des régions où, en l’absence de sécurité, les spectateurs de l’opposition n’ont pas pu se mouvoir.
Et d’autres, celles du Nord, mais en fait, d’un point de vue logique, sont stables ou en baisse. Donc voilà un peu, en gros, Paul Biya a récupéré sur le papier les électeurs qu’il a perdus dans le Grand-Nord. En faisant exploser le taux de participation dans des régions comme le Centre, l’Est et le Sud.
Et puis en «fabriquant» des électeurs. Et en changeant la nature sociologique de l’électorat dans les deux régions anglophones du pays. C’est un peu ce qu’on peut retenir des résultats officiels… », analyses prises sur la page Facebook de l’activiste Valsero.

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