Depuis la proclamation de la victoire de Paul Biya, le Cameroun vit une période d’ébullition silencieuse.
Alors qu’Issa Tchiroma Bakary continue de revendiquer la victoire, ni l’opposition, ni les syndicats, ni même l’Église ne se sont clairement prononcés.
Cette absence de réaction collective interroge : peur, calcul politique ou lassitude nationale ? Une chose est sûre, la tension est palpable, notamment dans les grandes villes du pays où la crise post-électorale couve.
🔹 Un climat de méfiance et d’intimidation
Les témoignages recueillis par 237online.com évoquent un climat de surveillance et de peur généralisée.
Selon Aristide Mono, politologue et directeur de la Société camerounaise d’intelligence et de recherches, plusieurs figures proches de l’opposition seraient visées par des opérations d’arrestation discrètes.
« J’ai reçu des alertes sérieuses : des commandos auraient été envoyés pour me localiser. J’ai dû quitter mon domicile et couper mes téléphones », confie-t-il.
Ce témoignage illustre la stratégie de dissuasion mise en place par les services de sécurité. Officiellement, le gouvernement reste muet, mais les arrestations de partisans d’Issa Tchiroma à Garoua et Yaoundé montrent que la tension dépasse le cadre politique pour s’installer dans la vie quotidienne.
🔹 Une opposition divisée et prudente
Si Issa Tchiroma continue de crier à la fraude, il semble de plus en plus isolé.
Maurice Kamto, principal leader de l’opposition, a choisi le silence, tout comme plusieurs figures de la société civile.
« Beaucoup ne croient plus à un processus électoral crédible. D’autres ne veulent pas risquer leur liberté pour un combat perçu comme perdu d’avance », analyse un observateur politique de Douala.
Cette fragmentation fragilise la résistance politique, pourtant visible à la base. Des militants du MRC auraient soutenu Tchiroma « à titre personnel », sans aval officiel de leur hiérarchie. Résultat : un front de contestation sans colonne vertébrale claire, face à un pouvoir qui, lui, reste soudé autour du chef de l’État.
🔹 Quand l’Église et les syndicats choisissent la prudence
Traditionnellement actifs dans les moments de crise, les leaders religieux et syndicaux gardent un silence inhabituel.
Dans les milieux catholiques, certains évoquent la peur d’une « récupération politique », d’autres reconnaissent des pressions directes.
Les syndicats, eux, redoutent de nouvelles sanctions économiques.
« Beaucoup ont encore en mémoire les représailles après les grèves de 2008. Personne ne veut revivre ça », confie un enseignant du secondaire.
Cette prudence générale renforce la solitude politique d’Issa Tchiroma, dont les appels à la mobilisation sont accueillis avec scepticisme par une partie de l’opinion publique.
🔹 Une colère populaire sous contrôle
Pourtant, sur le terrain, la colère ne faiblit pas.
Dans certaines zones de l’Est et du Nord, des rassemblements ont dégénéré en affrontements entre partisans de l’opposition et forces de sécurité.
Les témoignages font état de plusieurs blessés et destructions de biens.
Mais malgré l’ampleur du malaise, les institutions restent fermes : le Conseil constitutionnel n’envisage aucune révision des résultats, et la présidence multiplie les messages d’apaisement.
« La stabilité du pays passe avant tout », martèle une source proche du gouvernement.
Reste que, dans la rue, beaucoup ne croient plus à cette « stabilité ». La fracture entre le peuple et le pouvoir semble plus profonde que jamais.
Le Cameroun vit un moment charnière. Entre un pouvoir qui veut imposer le calme et une population frustrée, la tension monte sans exploser.
La question demeure : ce silence collectif est-il le signe d’une fatigue nationale… ou le prélude à une explosion ?
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