S’il fallait un symbole de la bascule du monde en cette année 2025, les sanctions prises cette semaine par l’administration Trump contre Thierry Breton et quatre autre personnalités européennes tombent à pic. C’est un geste hostile sans précédent entre pays alliés, ou plus précisément … théoriquement alliés, qui a provoqué de vives réactions en France et en Europe.
Ces sanctions sont d’abord idéologiques, basées sur une conception très américaine de la liberté d’expression, et répondent aux intérêts des oligarques de la Tech, devenus le pilier de l’économie américaine. Les arguments qui accompagnent les sanctions se situent dans la droite ligne du discours du vice-président JD Vance à Munich au début de l’année. Il avait accusé les Européens d’un « recul de la liberté d’expression ». Dans la droite ligne, aussi, du document stratégique publié début décembre à Washington, et qui met en garde contre un « effacement civilisationnel » de l’Europe.
Le choc est immense à chaque étape de ce divorce, et la mesure contre l’ancien Commissaire européen a fait l’effet d’un électrochoc à la veille de Noël. Pourtant, la réalité est qu’il y a bien un divorce entre l’administration Trump et les démocraties libérales d’Europe qui ne s’y attendaient pas avec cette violence.
Les Européens savaient depuis des années, depuis la présidence d’Obama en fait, que les États-Unis avaient les yeux tournés vers l’Asie, vers la Chine, leur principal rival ; et que le vieux continent comptait de moins en moins pour eux. Mais Trump va beaucoup plus loin : il veut casser une Union européenne dont il dit, sans le moindre rapport avec la réalité, qu’elle a été inventée pour -je le cite- « entuber les États-Unis ».
L’Europe se retrouve donc avec un protecteur qui veut aussi lui faire la peau. Les Européens n’étaient pas prêts à ça, car ils ont laissé s’installer une double dépendance : vis-à-vis de la technologie américaine, ultra dominante car l’Europe a raté une ou deux révolutions ; et sur sa propre défense, en se reposant sur la présence américaine au sein de l’OTAN.
En 2025, autour du soutien à l’Ukraine et dans les relations transatlantiques, les Européens ont enfin compris que le monde avait changé, et pas en leur faveur, c’est une évidence. L’UE se retrouve vulnérable entre une Russie agressive et des États-Unis malveillants.
La difficulté pour les « 27 », c’est qu’on ne change pas une telle dépendance du jour au lendemain, c’est l’affaire de plusieurs années pendant lesquelles il va falloir vivre avec cette administration en limitant la casse. Ce qui rend la réponse très compliquée, forcément décevante pour les opinions publiques.
Le grand test pour les Européens en 2026 sera de savoir s’ils parviendront à sauver la régulation du numérique pour laquelle Thierry Breton a été sanctionné. La Commission européenne a défendu hier les lois de l’UE sur le numérique, décidées par des États souverains, et approuvées par le Parlement européen élu au suffrage universel. Mais l’offensive de l’administration Trump ne s’arrêtera pas à ces sanctions, elle veut ni plus ni moins que leur retrait, comme le demande la Silicon Valley.
L’autre test sera celui de l’ingérence. L’administration Trump soutient ouvertement les extrêmes droites en Europe, les forces « patriotiques » comme le dit le document stratégique. Il faut s’attendre à ce qu’elle fasse tout pour faciliter leur accession au pouvoir. C’est un divorce dans lequel on ne se fait pas de cadeaux, personne ne doit en douter en Europe.
Source: https://www.radiofrance.fr/
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