Près de 97 % du riz consommé au Cameroun est importé, alors que l’IRAD affirme avoir développé 26 variétés parfaitement adaptées au pays. Ce chiffre, vertigineux, illustre selon l’économiste Louis-Marie Kakdeu une politique d’import-substitution « totalement à contre-sens ». Dans une analyse rendue publique après l’adoption de la loi de finances 2026, le vice-président national du SDF accuse le gouvernement de « s’attaquer au mauvais problème » et de fragiliser encore plus le tissu productif local. « On risque d’entrer dans la vie chère sans production nationale solide », confie un entrepreneur rencontré à Yaoundé. Le Cameroun va-t-il corriger le tir à temps ?
🟦 Une politique d’import-substitution… sans industrie derrière ?
Pour Louis-Marie Kakdeu, l’import-substitution n’a de sens que si l’État protège d’abord les industries locales déjà existantes. Il rappelle que le pays avait réussi cette politique entre 2006 et 2016 dans la filière avicole, après les alertes de l’ACDIC.
Mais aujourd’hui, dit-il, le gouvernement applique la méthode inverse : il taxe, décourage ou laisse mourir ce qui fonctionne encore, tout en libéralisant massivement les importations de biens essentiels.
« Une import-substitution qui ne protège pas la production locale n’est pas une politique industrielle, c’est une illusion dangereuse », insiste Kakdeu.
🟦 Le cas Ekane : des erreurs répétées dans la loi de finances 2026
Dans son analyse, l’économiste note que la loi de finances 2026 mise tout sur des mesures douanières marginales, visant surtout des objectifs sociaux :
– favoriser l’accès au gaz,
– réduire le coût des véhicules,
– soutenir le numérique importé,
– alléger les équipements pour personnes handicapées.
Des intentions louables, reconnaît-il, mais totalement déconnectées de l’exigence de souveraineté économique.
« On favorise l’importation des produits essentiels au lieu de soutenir leur production locale. Comment voulez-vous que les industries naissent ? », déplore un industriel du secteur agroalimentaire joint par 237online.com.
🟧 Un pays qui taxe l’innovation locale et subventionne l’innovation étrangère
Selon Kakdeu, le Cameroun prend le risque de « se mettre hors-jeu » dans les secteurs d’avenir : numérique, énergies renouvelables, contenus culturels, audiovisuel.
Il rappelle que Buea était une “Silicon Mountain” avant que les taxes sur la création de contenu ne viennent étouffer la jeunesse innovante.
« Pendant que le pays taxe l’innovation locale, il offre un boulevard à l’innovation importée. Ce n’est pas sérieux… ce n’est pas du jeu ! », confie un jeune développeur de Douala.
🟧 Le cas du mil/sorgho : un exemple de catastrophe annoncée
L’analyste rappelle un précédent :
– Production locale totale : 4 000 tonnes
– Contrat encouragé par l’État : 17 000 tonnes destinées à une brasserie
Résultat : une menace directe sur la sécurité alimentaire dans une région déjà touchée par 14 % de malnutrition aiguë globale.
« Voilà ce qui arrive quand la politique n’est pas alignée sur les réalités du terrain », explique un agronome de Maroua.
🟩 Un tissu productif en état critique
Kakdeu cite plusieurs cas emblématiques :
- CICAM, en faillite
- SEMRY, en survie depuis 2014
- 80 % des jeunes entreprises meurent avant deux ans
- seulement 1,5 % des entreprises ont plus de 25 ans
Pour lui, le problème est clair : la pression fiscale et l’instabilité économique étranglent la production locale.
« On ne fait pas pousser une jeune plante en l’écrasant », dit-il dans une métaphore devenue virale sur les réseaux.
🟥Un avertissement qui sonne comme une urgence nationale
Pour Louis-Marie Kakdeu, le Cameroun doit stopper la fuite en avant des importations massives, renforcer la vulgarisation agricole et relancer la production locale, sous peine d’entrer dans « une crise sociale majeure ».
« 2026 peut être l’année du redressement, mais aussi l’année du chaos, si l’on continue de poser les mauvais diagnostics », prévient-il.
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