La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ont amorcé samedi à Ouagadougou une reprise du dialogue direct après plusieurs mois de crispation diplomatique marquée par l’affaire Alino Faso et des accusations mutuelles sur la gestion de la menace terroriste.
Le ministre délégué ivoirien chargé de l’Intégration africaine, Adama Dosso, a été reçu par Jean Marie Traoré, ministre burkinabè des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’Extérieur, pour une rencontre qualifiée de « franche, sereine et constructive ».
Un dialogue sur fond de crise
Cette initiative ivoirienne intervient dans un contexte particulièrement tendu entre les deux pays voisins. Les discussions ont permis d’aborder sans détour les sujets sensibles qui ont récemment pesé sur la relation bilatérale, les deux parties convergent vers un objectif commun : rebâtir durablement la confiance au bénéfice de leurs populations.
Adama Dosso a déclaré que « la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso sont comme deux poumons d’un même corps économique et social », rappelant que les incompréhensions passées doivent « appartenir au passé ». Jean Marie Traoré a salué « un esprit fraternel conforme à la vision du chef de l’État, le Capitaine Ibrahim Traoré », appelant à approfondir ce premier pas vers un rapprochement solide.
Ouagadougou a réaffirmé sa disponibilité à œuvrer pour une coopération apaisée, fidèle aux liens historiques, culturels et humains entre les deux peuples.
L’ombre de l’affaire Alino Faso
Cette relance diplomatique intervient alors que les deux pays sont plongés dans une crise sensible liée à la mort controversée de l’activiste Alain Christophe Traoré, alias Alino Faso, survenue le 24 juillet dans une école de gendarmerie d’Abidjan.
Ouagadougou a ouvert une information judiciaire et rejette catégoriquement la version ivoirienne du suicide, évoquant un « assassinat crapuleux ». La famille et le gouvernement burkinabè dénoncent également l’absence de notification officielle du décès, annoncé trois jours plus tard via les réseaux sociaux.
Le ministre burkinabè des Affaires étrangères a convoqué la chargée d’affaires ivoirienne pour exiger des explications et réclame le rapatriement de la dépouille ainsi que « toute la vérité ».
Les accusations du président Traoré
Au cours d’un grand entretien diffusé fin septembre sur la télévision nationale, le président du Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, avait exprimé des divergences profondes avec Abidjan sur la situation sécuritaire et politique de la Côte d’Ivoire.
Le chef de l’État burkinabè avait affirmé l’existence d’un pacte de non-agression entre certains groupes armés et les autorités ivoiriennes. Selon lui, le fait que la Côte d’Ivoire ne soit pas ciblée par des attaques terroristes ne signifie pas que « l’armée ivoirienne est surpuissante ».
« Le pouvoir flirte avec les terroristes. Il y a un pacte de non-agression. Et quand il y a un pacte de non-agression, vous devenez une base arrière », avait-il accusé.
Le président Traoré avait averti que la Côte d’Ivoire « sera attaquée » par des groupes terroristes en cas de crise interne : « S’ils ne gagnent plus ce qu’ils gagnaient, ce pays sera attaqué. J’ai dit aux chefs d’État qu’on ne pactise pas avec les terroristes. »
Il avait rappelé que la Côte d’Ivoire a déjà été frappée, notamment lors de l’attentat jihadiste de Grand-Bassam en 2016 qui avait fait 19 morts, et que plusieurs incursions ont touché le nord du pays jusqu’à l’accalmie constatée depuis 2021.
Des relations tendues depuis 2022
Revenant sur ses premiers contacts avec Abidjan après sa prise de pouvoir, Ibrahim Traoré avait indiqué dans cet entretien : « Le 30 septembre 2022, Alassane Ouattara était le premier à m’appeler. Après, son petit frère est venu deux fois nous voir. Ils voulaient que nous suivions une direction. Nous avons dit non. Ils se sont mis contre nous. »
Pour le président burkinabè, ces divergences illustrent l’indépendance de la trajectoire politique actuelle du Burkina Faso : « Le Burkinabè est intrinsèquement révolutionnaire », avait-il soutenu.
Dans ce contexte lourd, la reprise du dialogue entre les deux capitales apparaît comme un signal fort d’ouverture. Malgré les accusations, les divergences sécuritaires et les crispations régionales, Abidjan et Ouagadougou ont choisi de renouer officiellement le fil des échanges.
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