Selon les dernières données compilées par les organismes spécialisés, les budgets de défense connaissent des hausses spectaculaires dans plusieurs sous-régions, confirmant que la sécurité est désormais au cœur de la survie institutionnelle de nombreux pays.
L’Algérie, géant militaire incontesté du continent
Avec près de 21,8 milliards de dollars, soit environ 8 % de son PIB, l’Algérie s’impose en 2024 comme la première puissance militaire africaine en volume de dépenses. Cette montée en puissance s’explique par plusieurs facteurs : la volonté d’assurer une dissuasion régionale dans un Maghreb en tension latente ; la nécessité d’entretenir un appareil militaire historiquement central dans l’architecture politique du pays ; une capacité financière reposant sur des revenus énergétiques encore conséquents malgré la volatilité des marchés.
Cette position place Alger loin devant ses voisins immédiats, y compris le Maroc pourtant engagé depuis une décennie dans une modernisation ambitieuse de ses forces.
Maroc : modernisation continue mais contrôlée
À l’inverse d’Alger qui mise sur la puissance de feu, Rabat poursuit une stratégie graduelle, fondée sur : l’acquisition régulière d’équipements modernes (drones, systèmes de défense américains et israéliens) ; l’amélioration des capacités de surveillance frontalière ; la structuration d’une industrie de défense naissante.
Le Maroc reste donc dans une logique de professionnalisation, maîtrisant ses dépenses grâce à une planification budgétaire étalée et coordonnée avec ses partenaires stratégiques.
Burkina Faso, Mali, Burundi : la sécurité comme horizon vital
Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne confrontés à une insécurité chronique, la défense absorbe désormais une part critique des budgets publics.
Au Sahel, la dégradation sécuritaire conduit les États à consacrer une part sans précédent de leurs ressources à la défense :
• Mali : réarmement accéléré depuis 2021, diversification des partenariats militaires, montée en puissance des Forces armées maliennes (FAMa) sur fonds d’opérations constantes.
• Burkina Faso : effort financier massif pour soutenir les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), multiplier les opérations territoriales et équiper le front sécuritaire.
• Burundi : priorité absolue à la stabilité intérieure, avec une militarisation accrue de l’appareil d’État.
Pour ces États, le rééquilibrage budgétaire n’est plus un choix, mais une impérative condition de survie institutionnelle.
Nigeria et Égypte : budgets en chute libre sous pression économique
À l’opposé, deux poids lourds militaires du continent opèrent un retrait forcé.
• Le Nigeria, frappé par une crise économique et une dépréciation brutale de sa monnaie, réduit fortement ses dépenses militaires.
• L’Égypte, engagée depuis des années dans des programmes d’armement colossaux, freine ses ambitions pour stabiliser ses finances publiques.
Cette contraction pourrait rebattre les cartes du leadership militaire en Afrique dans les prochaines années.
Soudan du Sud : une hausse de 88 % pour préserver l’État
Cas atypique mais révélateur : le Soudan du Sud a augmenté ses dépenses militaires de 88 % en 2024.
Ce bond spectaculaire traduit la volonté de maintenir l’intégrité d’un État encore fragile ; de contenir les milices internes ; de sécuriser les infrastructures pétrolières, poumon économique du pays. Cela illustre une tendance continentale : lorsque la survie politique est en jeu, le budget militaire devient la variable d’ajustement numéro un.
Vers un nouveau paysage stratégique africain
L’année 2024 confirme que les armées africaines ne sont plus seulement des institutions de souveraineté, mais des leviers de stabilité politique et de projection géostratégique.
Trois tendances majeures se détachent :
1. Polarisation Maghreb/Sahel : montée des puissances nord-africaines, militarisation intense du Sahel.
2. Budgets de survie : plusieurs États consacrent une part disproportionnée de leurs maigres ressources à la sécurité.
3. Reconfiguration des alliances : diversification des partenariats militaires, affaiblissement des dépendances traditionnelles.
Dans ce contexte, la question centrale demeure : l’accroissement des dépenses militaires permettra-t-il de renforcer la sécurité, ou annonce-t-il une nouvelle course aux armements dans un continent en pleine transition politique ?
Une certitude : l’Afrique de 2024 ne ressemble déjà plus à celle d’hier, et son futur stratégique se redessine en temps réel.
Alexis Kalambry
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