
Le tourisme au sud-ouest du Cameroun décline depuis une décennie. À Limbé, les plages de sable noir volcanique restent désertées. Le conflit dans la zone anglophone effraie les visiteurs. Pourtant, à l’approche de la présidentielle du 12 octobre, la ville s’accroche. Elle tente de préserver son attractivité, malgré les tensions persistantes.
Fin 2016, une révolte éclatait dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, après une sanglante répression de manifestations de la minorité anglophone qui s’estimait marginalisée par le pouvoir central. Au moins 6 000 personnes ont été tuées depuis dans des affrontements entre l’armée et les groupes séparatistes.
Le conflit s’essouffle. L’intensité baisse. Dans les grandes villes du Sud-Ouest, comme Limbé, l’armée s’installe. Sa présence rassure. Elle apporte stabilité et sécurité. En revanche, les zones rurales restent vulnérables. Dans le Nord-Ouest, les séparatistes sont toujours actifs. Le contraste est net. La paix avance, mais reste incomplète.
Yann Anoko dirige l’hôtel Seme Beach, à la sortie de Limbé. Il observe une tendance inquiétante. « Les revendications anglophones ont créé une psychose », dit-il. Les touristes hésitent. L’image du pays inquiète. Le secteur souffre, malgré le calme sur place.
– Seme Beach, du plein à l’abandon –
L’activité s’effondre. Le directeur réagit. Face à la chute d’activité, le directeur réduit de moitié la capacité d’accueil, ferme plusieurs bâtiments et se sépare de la majorité du personnel. Le complexe se vide. Le silence remplace l’effervescence.
« Ce parking peut accueillir 300 voitures. Aujourd’hui, il n’y en a que quatre », souffle-t-il avec nostalgie.
En semaine, l’activité pétrolière de la région attirait autrefois un tourisme d’affaires, des congrès, des séminaires.
Le week-end, les touristes affluaient. Le week-end, les touristes profitaient des lacs cristallins, suivaient le cours des rivières claires et découvraient la plage noire au pied du Mont Cameroun, volcan encore actif qui domine la région. Ce volcan, toujours actif, domine la région. Le décor fascinait. Le calme contrastait avec la menace.
Cyprine Okulodomo jardine à Seme Beach depuis quinze ans. Il se souvient d’un âge d’or. « C’était bien mieux », confie-t-il. Les touristes affluaient. Ils venaient se baigner, observer les éléphants de forêt, visiter le fort de Bimbia. Ce site, marqué par l’histoire de la traite esclavagiste, attirait le monde entier. Aujourd’hui, le silence a remplacé l’effervescence.
– « Zone rouge » –
Depuis le début de la crise, les séparatistes Ambazoniens imposent la « ville-morte » chaque lundi. Ce mot d’ordre paralyse les zones anglophones du Cameroun. Les commerces ferment. Les habitants restent chez eux. Le silence devient une forme de protestation. Le pouvoir central peine à briser ce rituel hebdomadaire.
Pour la présidentielle du 12 octobre, les consignes ont été étendues à tous les jours en dehors du week-end. Lors de la précédente en 2018, l’abstention avait été particulièrement élevée dans les régions anglophones instables de l’ouest.
Yann Anoko dédramatise. « Ce n’est pas de l’insécurité, c’est une grève pacifique », affirme-t-il. Pourtant, la ville tourne au ralenti. Les commerces restent fermés, sauf le week-end. Les hôtels ouvrent, mais les clients ne viennent pas. L’économie souffre, la grève s’installe.
Des élus veulent limiter les pertes économiques. Selon la presse locale, ils menacent les commerces. Ceux qui suivent le mot d’ordre de grève risquent des sanctions. La pression monte, le climat se tend.
À Idenau, village côtier près de Limbé, le RDPC organise un meeting. Le président Paul Biya, 92 ans, dirige le parti depuis 1982. Les forces de sécurité encadrent l’événement. La surveillance est maximale. Le pouvoir veut éviter tout débordement.
– Présence militaire, absence présidentielle –
Sans Biya, grand favori de l’élection qui n’a, à moins d’une semaine du scrutin, pas participé à un seul meeting de campagne. Des militaires aux fusils d’assaut quadrillent le périmètre pour les quelque 200 participants.
« C’est vraiment très paisible ici », assure Nina Gaelle, rassurée par la présence ostensible et quotidienne des militaires. Cette réfugiée a fui son village il y a sept ans. Elle vivait dans la région du Nord-Ouest, bastion des « Amba-boys », les milices séparatistes. Là-bas, les civils sont souvent enlevés ou tués. Les écoles et les symboles du pouvoir central subissent des attaques régulières. Elle a quitté la peur, mais l’ombre du conflit la suit encore.
All Eyes On Me ouvre ses portes à Idenau il y a trois ans. L’hôtel compte une dizaine de chambres. Malgré la crise, il reste actif. Sa clientèle : des hommes d’affaires en transit vers le Nigeria. Le lieu résiste, discret mais stratégique.
– Conflit latent, calme apparent –
Dans d’autres régions, ses clients pourraient se retrouver « coincés sur la route par les opérations villes mortes ». Mais « pas ici », insiste Eric Mohntoh, le responsable de l’hôtel.
L’hôtel quatre étoiles de Limbé reste en zone rouge. Son responsable le sait. Malgré tout, il garde espoir. Il veut convaincre les touristes de revenir. Il parie sur le temps, la communication et la résilience.
Les visiteurs hésitent. Ils croient que le pays est en guerre, surtout pendant les élections. Pourtant, sur place, tout reste calme. L’hôtelier, sous anonymat, tente de rassurer.
Convaincre prend du temps. Le responsable de l’hôtel le sait. Pour relancer l’image du site, le responsable mise sur les réseaux sociaux, invite des influenceurs et investit dans le marketing, malgré un contexte défavorable.
À l’hôtel Seme Beach, Yann Anoko garde espoir. Résilient, il se rassure. Il attend la fin du conflit. Il rêve du retour des touristes. « Ça ne peut pas être pire », lâche-t-il.
Source: Agence France-Presse

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