De l’époque coloniale aux crises contemporaines, le schéma est tristement constant : l’allié local est un outil, jamais un partenaire permanent. Il reçoit peut-être des éloges éphémères, une petite fortune, ou un confortable exil parisien. Mais lorsque l’objectif stratégique de la France est atteint, ou que l’allié devient un fardeau, l’abandon est inéluctable. Ce n’est pas une question de morale, mais de pure géopolitique de l’intérêt. Voici pourquoi ceux qui misent sur la bienveillance de l’ancienne puissance coloniale sont historiquement condamnés à l’amertume.
La leçon coloniale : Le destin des pions stratégiques
L’histoire de la conquête de l’Afrique de l’ouest à la fin du XIXe siècle est saturée d’exemples prouvant que l’alliance avec la France coloniale est un contrat à durée déterminée, révocable unilatéralement. Le cas de Mamadou Lamine Dramé et de ses “alliés” est l’archétype de cette fatalité.
Ahmadou Tall et Moussa Molo Baldé
Ces figures puissantes ont initialement collaboré avec les Français pour éliminer un rival (Dramé) ou préserver un semblant de souveraineté. Une fois Dramé vaincu, leur utilité a cessé. Ahmadou Tall, le souverain de Ségou, a été chassé par ses anciens “amis” français et est mort en exil à Sokoto (sous domination britannique). Moussa Molo, roi du Fouladou, a également fini ses jours en exil en Gambie (sous domination britannique). La France n’a pas récompensé sa collaboration ; elle l’a remercié en le dépossédant.
Le principe de l’épuisement de l’utilité
La France n’a jamais eu pour objectif de partager le pouvoir avec les chefs locaux, mais de les utiliser pour minimiser le coût humain et financier de sa conquête. Une fois le rival éliminé et le territoire pacifié, l’allié local, par nature indépendant, devient le prochain obstacle à la domination totale.
L’exil : Une cage dorée à durée limitée
Aujourd’hui, le scénario a changé de forme, mais pas de fond. L’instrumentalisation passe par des réseaux d’influence, des soutiens politiques en coulisse, voire l’organisation de déstabilisations internes. L’attrait de l’allié contemporain est souvent une promesse d’impunité et de sécurité.
L’exil Parisien comme récompense
Ceux qui trahissent la confiance de leur peuple pour servir les intérêts stratégiques français reçoivent parfois un “petit privilège” : un train de vie agréable, une protection, une résidence à Paris ou sur la Côte d’Azur. C’est l’illusion de la “cage dorée”.
La double peine
Ce privilège est en réalité une double peine. L’allié perd toute légitimité politique dans son pays et se retrouve entièrement dépendant de son protecteur. Cet exil n’est pas une retraite honorifique ; c’est un moyen de neutralisation et de silence mis en place par la France.
Phase 1 : Soutien Actif : L’allié est utile pour déstabiliser (obtenir des ressources, signer des accords désavantageux, renverser un rival).
Phase 2 : Silence et surveillance : L’allié est mis au placard. Il ne doit plus parler, ni interférer. Sa présence en France est une garantie qu’il ne pourra pas rallier de nouvelle opposition dans son pays.
La rupture inéluctable
L’histoire est claire : il y aura toujours un moment où la France lâchera son allié. Cette rupture est dictée par la seule logique de l’intérêt national français, qui est par nature volatile et révisable.
Quand l’objectif est atteint
Si la France a obtenu ce qu’elle cherchait (un contrat minier, une base militaire, l’éviction d’un rival géopolitique), l’allié n’est plus qu’un poids mort ou une source de mauvaise publicité. Il est alors sacrifié au nom du “renouvellement de l’image” ou de la “nécessité de dialogue avec le peuple” du pays concerné.
Quand l’allié est un échec
Si l’allié ne parvient pas à maintenir la stabilité après l’intervention française, ou s’il génère une opposition trop violente, il devient un passif. La France le désavoue publiquement, le présente comme responsable de l’échec, et cherche un nouveau partenaire plus malléable pour reprendre la main.
La fin du pacte secret
La France se soumet avant tout à la pression de son propre électorat, aux changements de gouvernement, et aux impératifs des relations internationales. Face à un tollé général ou à une opportunité stratégique majeure, elle n’hésitera jamais à abandonner son ami pour défendre son propre intérêt.
Le message de l’histoire est un avertissement en lettres de sang : l’alliance avec la France pour trahir son propre pays mène invariablement à l’isolement, à la honte et à un exil où les privilèges ne sont que des chaînes dorées. Le véritable pouvoir et la vraie sécurité résident dans la légitimité populaire, jamais dans un pacte secret avec l’ancienne puissance coloniale.
A. K. Dramé
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