
De la dissidence au martyre politique, Maurice Kamto, figure centrale de l’opposition au Cameroun, a brisé le silence avec des mots lourds de sens. La mort en détention, lundi, d’Anicet Ekane — président de parti et voix dissidente — dépasse le simple fait carcéral : elle devient, dans la bouche de Kamto, le symbole d’une dérive politique.
Mardi soir, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, il accuse l’État d’un « crime » contre ses propres citoyens. La tension narrative s’installe : un opposant disparaît derrière les murs de la prison, un autre s’élève pour dénoncer. L’événement dépasse l’individuel, il incarne la fragilité des libertés, la violence du pouvoir et la mémoire collective d’un peuple en quête de justice.
« Ils l’ont tué. Ils ont tué le président du Manidem », a lancé Maurice Kamto dès l’ouverture de son allocution. L’opposant camerounais accuse frontalement. Pour lui, la mort d’Anicet Ekane en détention ne peut être interprétée autrement : « un authentique crime d’État ». Phrases courtes, voix active, tension immédiate.
– La mémoire d’une lutte brisée par la permanence du pouvoir –
Anicet Ekane, figure de la gauche nationaliste, est mort lundi en détention à Yaoundé, à 74 ans. Son arrestation, fin octobre, avait précédé l’annonce de la victoire de Paul Biya, reconduit pour un huitième mandat.
La mort d’Ekane ne se réduit pas à une disparition individuelle. Elle s’inscrit dans une dramaturgie politique où chaque geste, chaque silence, devient symbole. Anicet Ekane incarnait la mémoire d’une lutte pour l’indépendance et la démocratie.
Sa mort en prison marque une fracture : dans un pays où la contestation se brise contre la permanence du pouvoir.
La famille d’Anicet Ekane, appuyée par ses avocats camerounais et français, a dénoncé mercredi une détention arbitraire et des conditions inhumaines, similaires à celles imposées à d’autres opposants.
La représentation légale de la famille affirme qu’Anicet Ekane « s’était vu confisquer son appareil d’assistance respiratoire, utilisé quotidiennement en raison de troubles graves ». Ses pathologies étaient connues de l’autorité judiciaire, ajoute-t-elle, assurant avoir alerté sur la dégradation de son état de santé.
Elle réclame aussi « qu’un médecin indépendant, choisi par leurs soins, participe à l’autopsie et aux constatations médico-légales ».
– Enquête –
Lors des dernières élections, son parti a d’abord investi Maurice Kamto. Après le rejet de cette candidature, il a soutenu Issa Tchiroma Bakary, qui s’est autoproclamé vainqueur du scrutin et président élu du Cameroun.
Selon le ministère camerounais de la Défense, le Tribunal militaire enquête sur des infractions graves et détient Anicet Ekane dans ce cadre.
« Anicet Ekane a été assassiné par la haine de Maurice Kamto, l’exécration du MRC, la détestation d’Issa Tchiroma Bakary, le mépris de la démocratie et l’angoisse du changement », a fustigé Kamto. Des mots durs, une accusation frontale, une dénonciation sans détour.
Le ministère camerounais de la Défense a déclaré qu’Anicet Ekane souffrait de pathologies chroniques et que le corps médical militaire, ainsi que ses médecins personnels, le suivaient en détention.
Les autorités ont annoncé lundi l’ouverture d’une enquête pour déterminer « avec précision les circonstances du décès ».
Plusieurs représentations diplomatiques ont réagi mardi à l’annonce du décès en détention d’Anicet Ekane, appelant à une enquête « transparente ».
Le Haut-Commissariat du Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale d’une partie du pays, a exprimé son inquiétude, se disant « attristé et préoccupé par le décès en détention de M.Anicet Ekane.
L’Union européenne a évoqué Anicet Ekane et a exhorté Yaoundé à garantir une enquête « approfondie et transparente ».
Le Haut-commissariat du Canada au Cameroun a jugé les circonstances du décès « préoccupantes ». Il affirme avoir partagé ses inquiétudes avec les autorités et les exhorte à conduire une enquête indépendante, approfondie et transparente.
L’Union européenne a déclaré lundi prendre note de l’ouverture d’une enquête. Elle a réitéré son appel à la libération des personnes détenues arbitrairement depuis l’élection présidentielle.
Source: Agence France-Presse

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